De la nouvelle marchandise ?

Il est presque midi et le soleil est déjà à son zénith. C'est une journée ensoleillée comme tous les amateurs de plages rêvent. Pas un seul nuage, un soleil resplendissant et une brise glaciale. Il fait froid. Enfin, tout est relatif. Pour un humain, ou un elfe, il fait froid. Même pour un nain, il fait frais. Mais pour une kaiyou habituée aux profondeurs sous-marines, il ne fait pas si froid. Par chance, parce que ça aurait été embêtant qu'elle ait froid. Elle pourrait attraper quelque chose, comme une pneumonie... enfin, non... elle n'a pas de poumons en fait... mais quelque chose du genre. Surtout, qu'elle est flambant nue. Enfin, non, pas flambant, parce que des bijoux la recouvrent du cou à mi-cuisse, mais ça masque son corps autant que si on l'avait couverte d'un moustiquaire.

Onda évoluait presque exclusivement avec ses bijoux et sous l'eau, personne n'avait rien à redire sur son peu de vêtements. Elle ne saisissait donc pas le principe de se couvrir une fois sèche. En fait, c'est à peu près pareil que si on demandait à un chat de retirer sa fourrure quand il entre. Aucun intérêt.

La princesse Onda est une habituée de l'endroit. Elle vient au moins une fois par mois pour examiner les marchandises de Brokk et de l'écouter lui explique ce que c'est, à quoi ça sert et elle repart avec des tas de trucs. Et là, c'est le bon jour. Le vent l'a rapidement fait sécher... enfin, ça lui a quand même prit la matinée à sécher.

Puis elle a franchit à pied la distance entre la plage et la boutique, pour y entrer en trombe, dans un cliquetis de bijoux et un claquement de porte retentissant.

- Brokk ?

Onda, contre toute logique impériale, vient seule chez le nain. La Reine aurait été terrifiée d'apprendre que sa fille aînée se balade toute seule sur terre, mais Onda se passe des permissions de sa mère depuis longtemps. D'ailleurs, c'est à se demander si elle s'en est déjà soucié plus que pour la forme.

- BROKK !

Son ton n'a plus rien de sympathique. Il est même plutôt impératif. Onda n'aime pas attendre, c'est bien connu. Aussitôt que son regard noir se pose sur le nain, elle semble moins furieuse. elle le rejoint en quelques longues enjambées et se penche un peu au-dessus de lui.

- Il serait grand temps que tu creuses une accès direct de la mer à ta boutique. Ça commence à être lourd de devoir me sécher chaque fois. Non, Onda n'est pas patiente. Loin de l'être, en plus. Mais elle payait bien. Alors, t'as quoi de nouveau à me montrer ?

Elle croise les bras sur sa poitrine, signe qu'elle attend. Ses longs doigts fins aux ongles beaucoup trop longs tapotent son bras, signe qu'elle s'impatiente.

Oui, ça, Onda le sait que le nain ne peut pas vivre longtemps sous l'eau. Il le lui dit chaque fois qu'elle insinue qu'il est grand temps qu'il pense à faire un accès direct de la mer à la boutique. On lui avait raconté, un jour, que les humains avaient des marchés sur des structures de bois, ce qui les gardait au sec, mais presque dans l'eau. Elle n'est pas certaine d'avoir bien compris, mais de le laisser sous-entendre à Brokk revient à avouer qu'elle ne sait pas tout. Onda sait tout du monde marin, mais le monde terrestre lui cause encore bien des soucis. C'est vaste, bien trop vaste. Mais une jour, elle saura tout. C'est d'ailleurs à quoi lui sert Brokk. À en savoir plus.

Elle le suit, de sa démarche gracieuse, comme le varech sous le flux et le reflux des vagues.

Brokk commence à énumérer ce qu'il vient de recevoir. Elle ne répond pas à la question de ce qu'elle cherche. C'est pas à elle de lui dire, il doit, comme tout bon subalterne, être prévenant et combler ses désirs avant qu'elle ne soit obligée de les dicter. N'était-ce pas le B.A.-ba de tout les vendeurs ? Oui. Des pierres précieuses, elle en a des tas. Les navires qui sombrent en ont beaucoup. D'ailleurs, un navire qui sombre est toujours une invitation festive. On explore la fraîche épave et on prend tout ce qu'on peut y prendre. Et depuis qu'elle est jeune, Onda se fait un devoir de houspiller quiconque pénètre une épave avant elle. Non, mais quand même, on ne va pas lui piquer des trucs sous la nageoire, hein.

Par contre, son oeil noir pétille quand il parle d'un miroir. Onda adore les miroirs. Surtout quand ils sont fraîchement immergé. Après quelques semaines, par contre, ils se couvrent d'algues et ils perdent leur brillance. Il lui en faut donc régulièrement. Et faut aussi dire que ses crises sont pour beaucoup dans la faible survie des miroirs. Mais ça, le nain ne pouvait pas vraiment en juger. Pour ce qui est de l'alcool de riz, si c'est plaisant en dehors de l'eau, dans l'eau, c'est vraiment pas pratique... ça se dilue et ça brulait les branchies. Elle a essayé. La plupart du temps, elle paie l'alcool et le nain se retrouve dans l'obligation de la terminer seul. En fait, on peut dire que Onda ne boit pas vraiment. Elle goûte. Et elle n'est pas là pour boire non plus. Elle est là pour acheter et voir de nouveaux trucs et surtout apprendre de nouveaux trucs. Les objets magiques l'intéressent. Les elfes l'intéressent. Les humains aussi d'ailleurs. Un jour, elle irait les voir, chez eux. Mais avant mieux valait en savoir plus.

Il parle des esclaves, mais Onda esquisse une moue pas très intéressée. C'était amusant quelques heures, les esclaves, mais elle finissait par les oublier et elle devait ensuite se débarrasser du cadavres... vraiment pas pratique les esclaves exotiques.

- Non, pas d'esclaves cette fois-ci. Elle semble hésiter, plus par principe que par réelle hésitation. Par contre, le miroir... et les trucs magiques ? Tu as une idée de leur fonctionnement et de leur utilisation ? Une toute petite idée ?

Onda sourit, de toute ses petites dents pointues. Parfois, elle sait se montrer adorable. Surtout pour avoir ce qu'elle veut.

Onda l'écoute avec intérêt. Brave Brokk. Il ne négligeait rien pour trouver ce qui pourrait l'intéresser. C'était agréable de constater qu'au moins certains être prenaient ses désirs à coeur. Ce qui était un peu moins agréable, c'était que cet être fut un nain. Même les kaiyous n'avaient pas ces attentions. c'était déprimant.

Elle soulève le miroir, d'une belle grosseur et se mire dedans. Elle était pas mal version terrestre. Le tout manquait un peu de volume, mais c'était les effets de l'air. Et elle se savait plus petite sur terre que dans l'eau. Elle avait eu le temps de le constater durant l'attente. Bah oui, parce que y'avait pas grand chose à faire quand on attendait de sécher. Alors elle avait fait des tas de trucs en attendant. Comme se mesurer du bout de la queue au dessus de la tête à mesure qu'elle se métamorphosait. C'était fascinant.

Quand elle daigne levé son regard sombre de sur elle-même, c'est pour le poser sur le bâton et ses éclats de couleurs. Puis, impassible, elle regarde le nain.

- Qu'est-ce que tu veux que je fasse avec des bulles de couleurs, hein ?

À part amuser les alevins certes, mais Onda n'était pas du genre à faire des gagagougou avec les alevins. D'ailleurs, on ne laissait pas les alevins s'approcher d'Onda. Et c'était très bien comme ça. Elle revient sur son reflet. Le miroir était de loin le plus intéressant, pour l'instant. Elle délaisse son propre reflet, bien qu'il soit parfait, et s'intéresse aux reliefs.

- C'est un miroir humain ou elfique ? Ils racontent quoi ces reliefs ? C'est pas un... hum... cheval, ça ?

Onda avait quand même quelques notions terrestres et elle s'efforçait de reconnaître ce qu'elle voyait, cherchant à ne surtout pas se tromper. Onda détestait donner la mauvaise réponse. Elle se devait de tout savoir. Elle était la future Souveraine, non ?

Onda aime les compliments. À tout le moins, les compliments réalistes et mérités. Les compliments onctueux qui ne veulent rien dire, elle déteste ça. Même envers elle, un compliment mal dirigé peut attirer ses foudres. Faut être prudent, surtout avec les compliments, qu'elle tourne à l'insulte sans égard de genre ou de nombres. Onda fait ce qui lui plait, et quand ça lui plaît. Ses sautes d'humeurs sont légendaires... enfin, depuis 25 ans et ses sujets s'assurent de garder profil bas et prennent des risques inconsidérés tous les instants qu'ils passent près d'Onda. Ce qu'elle apprécie de Brokk, ce sont justement ses compliments. Il n'en met pas trop. En fait, parfois si, mais il arrive à faire profil assez bas pour qu'elle ne lui en tienne pas rigueur. Et surtout pas parce que sur terre, elle a la force musculaire d'un asticot névrosé. Et puis, ce compliment là, il est bien placé. Onda travaille fort pour retenir toutes ces informations. Elle s'acharne à replacer les trucs dans le bon contexte et avec un précision calculée. Onda faisait des efforts considérable pour en savoir toujours plus et synthétiser les informations que les Kaiyous en missions venaient lui rapporter en plus du but de leurs missions.

- Faudra que tu me racontes en détail cette histoire, un jour, Brokk. Je veux ce miroir.

C'est un ordre, c'est évident. De toute façon, on ne conteste pas les mots d'Onda. Elle ne le permet pas. Elle repose le miroir et s'éloigne, gracieuse, pour aller fouiner dans les articles de Brokk. Parfois, certaines choses ne l'intéressaient pas un jour, puis un autre jour, c'était indispensable. Bref, on ne sait jamais vraiment sur quel pied danser avec elle. Mieux vaut être paré à toutes éventualités.

- Et le bleu ne te va pas du tout au teint, lance-t-elle, sans vraiment préciser de quoi il en retourne. Et ça, c'est quoi ? interroge-t-elle en désignant d'un geste gracieux un objet quelconque.

Onda aime quand les gens devinent ce qu'elle veut, sans devoir le quémander. Malheureusement, peut y arrivent. C'est peut-être ce qui explique qu'elle est toujours contrariée.